Le chagrin, sujet numéro un.
barbara

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Alfred de Musset semble être d’accord avec les grands paroliers. L’amour malheureux inspire plus que l’amour heureux. Le désamour est le sujet numéro un de la chanson française

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment / Chagrin d’amour dure toute la vie. Jean Pierre Claris de Florian Plaisir d’amour 1760. D’abord poème dans une nouvelle La Célestine de JP Claris de Florian, après que Martini ait écrit sa mélodie en 1784, la chanson connaît un tel succès qu’elle est chantée jusqu’à la cour de Russie. Berlioz en fait un arrangement pour orchestre en 1859. Elle est reprise au siècle dernier par Elvis Presley et Stephan Eicher.

Noir c’est noir / Il n’y a plus d’espoir / Oui gris c’est gris / Et c’est fini, oh, oh, oh, oh / Ça me rend fou, j’ai cru à ton amour / Et je perds tout. Adapt. Georges Aber Noir c’est noir (Mellin Robert LTD) 1965. Une chanson presque autobiographique pour Johnny Halliday en pleine dépression dont la tentative de suicide s’étale à la une des journaux.

Tu m’as privé de tous mes chants / Tu m’as vidé de tous mes mots / Et j’ai le cœur complètement malade / Cerné de barricades. Serge Lama Je suis malade (Editions Serge Lama) 1974.

Laisse-moi devenir / L’ombre de ton ombre / L’ombre de ta main / L’ombre de ton chien Mais ne me quitte pas. Jacques Brel Ne me quitte pas (Warner Chapell) 1959.  Nous parlerons en détail de ce  texte devenu un classique dans le chapitre la preuve par neuf chansons.

Un jour l’amour l’a quittée, s’en est allé / Faire un tour de l’autre côté / D’une ville où y avait pas de place pour se garer. Gérard Manset Il voyage en solitaire (Pathé Véranda) 1975. Le trop rare Manset a aussi composé Chimène pour René Joly. 

Les histoires d’amour finissent mal en général. Catherine Ringer Les histoires d’A. 1986 (Les Rita Mitsouko).

Je joue les rouges, cœur, Caro… / Je suis l’as de trèfle qui pique ton cœur. M’ Barali Caroline (BMG Music) 1993 (MC Solaar).

Voilà, c’est fini / Nos deux mains se desserrent de s’être trop serrées / La foule nous emporte chacun de nôtre côté. Jean Louis Aubert. Voilà, c’est fini (La loupe) 1989.

J’irai chercher ton âme dans les froids, dans les flammes / Je te jetterai des sorts pour que tu m’aimes encore. J.J. Goldman Pour que tu m’aimes encore (Editions JRG/CRB) 1995.

Je crois que je ne t’aime plus / Elle a jeté ça hier / Entre le fromage et le dessert / Comme mon cadavre à la mer. Caliciuri Elle m’a dit (les éditions de Mireille) Cali 2003.

La solitude.

Partout, elle me fait escorte / Et elle me suit, pas à pas. Barbara La solitude (Editions Métropolitaines) 1965.

Oui mais moi, je vais seule / Car personne ne m’aime. Françoise Hardy Tous les garçons et les filles (Editions Alpha) 1962. La simplicité même, imparable. 

Aussi loin que l’on s’abandonne / Ni l’un ni l’autre ne se donne / On se reprend avec l’aurore. Sophie Makhno Ta cigarette après l’amour (EMI) 1972 interprétée par Charles Dumont.

Le nombre de chansons qui s’appellent Solitude est incalculable. Entre autres La solitude de Ferré, de Moustaki, La solitude ça n’existe pas de Bécaud, Ultra moderne solitude de Souchon.

La famille. 

A méditer : les chansons sur la famille sont rarement joyeuses et parlent beaucoup d’absence. Cette caractéristique est elle vraiment spécifique à la vie d’artiste ?

Les enfants.

On pourrait dans les premiers temps / Donner la gosse à tes parents / Le temps de faire le nécessaire. Michel Delpech et Jean Michel Rivat. Les divorcés (Warner Chappell) 1973. Précurseur du thème monoparental, Rivat a écrit ce texte en connaissance de cause, après une séparation.

En regardant tout au bout du chemin / Prendre un enfant pour le sien. Yves Duteil Prendre un enfant par la main (Editions de l’Ecritoire) 1977. Une des chansons préférées des français.

L’absence a des torts / Que rien ne défend / C’est mon enfant. Daniel Balavoine Mon fils ma bataille (Warner Chappell) 1980.

Les parents.

C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman / Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant / Et quand tu t’en iras, au grand jardin là-bas / Toutes ces roses blanches, tu les emporteras. Ch. L Pothier Les roses blanches (Les nouvelles éditions Meridian) 1926 interprétée par Berthe Sylva. Aujourd’hui classée mélo, cette chanson qui fit mouiller plus d’un mouchoir fut la première chanson lancée sur les ondes à partir de la tour Eiffel.

Je l’ai couché dessous les roses / Mon père mon père / Il pleut sur Nantes / Et je me souviens. Barbara Nantes (Editions Métropolitaines) 1964.

Lundi 21 décembre 1959, Il pleut sur Nantes et sur la Rue de la Grange au loup pour l’enterrement d’un père que Barbara a haï : L’aigle noir. Très autobiographique, la chanson est emplie d’émotion. Barbara mettra 4 ans à la finir avant de la chanter pour la première fois sur scène le 4 novembre 1963.

J’ai jamais su trouver les gestes / Qui pouvaient soigner tes blessures / Guider tes pas vers le futur. Eric Chemouny Sang pour sang 1999 (Laura eyes/ Sylviesongs) interprétée par Johnny Hallyday 1999. La musique est de David pour son père Johnny, les mots semblent vrais, le public aime.

Les frères et sœurs.

N’as tu vécu pour nous autrefois / Que sans jamais penser à toi ? / Non, non, non, ne rougis pas, non, ne rougis pas. Vline Buggy et Hugues Auffray Céline (Warner Chappell) 1966. Sur une musique de Mort Shuman, les paroles inspirées par la cousine de Vline Buggy ont été refusées par Claude François et France Gall. 

Toi le frère que je n’ai jamais eu / Sais-tu si tu avais vécu / Ce que nous aurions fait ensemble. Maxime Le Forestier Mon frère (Chappell) 1971. Une vision originale de la fraternité.

Le temps.

C’était mieux avant» Qui n’a jamais entendu ces mots ? Les peurs du monde actuel trouvent souvent pour écho la nostalgie.

La maison près des HLM / A fait place à l’usine et au supermarché. Nino Ferrer La maison près de la fontaine (Paul Beuscher) 1972. Nino Ferrari dit Ferrer, s’est suicidé en août 1998. 

Un vieux pleure dans un coin / Son cinéma est fermé, / C’était sa dernière séquence. Claude Moine alias Eddy Mitchell La dernière séance (Universal) 1977. Le cinéma de quartier, comme la maison de Nino Ferrer Finira en garage, en building supermarché. 

Où est il donc mon moulin d’ la place Blanche ? / Mon tabac et mon bistro du coin ? Decaye et Carol Où est il donc (Editions Fortin) 1925 interprétée par Fréhel.

J’aime les regretteurs d’hier / Qui trouvent que tout ce qu’on gagne, on le perd. Alain Souchon La beauté d’Ava Gardner (BMG) 1988. La nostalgie est un thème majeur de Souchon : J’ai 10 ans, Allo maman bobo, Bidon, etc.

« Avec le temps on n’aime plus » Léo Ferré Avec le temps (Nouvelles édition Meridian/ La mémoire et la mer) Octobre 1970. Terrible conclusion de chanson que ce vers. Nous reparlerons en détail plus avant de ce monument du répertoire français, dans le chapitre la preuve par neuf chansons.

La mort. 

Ne chantez pas la mort, c’est un sujet morbide / le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit / les gens du « show-business » vous prédiront le « bide » / c’est un sujet tabou… pour poète maudit. Jean Roger Caussimon  Ne chantez pas la mort 1972.

La musique est  écrite par Léo Ferré, immédiatement, le soir même où il reçoit le texte.  Les deux amis ont signé ensemble une vingtaine de titres mais Caussimon a également écrit pour lui même et pour Catherine Sauvage, Mouloudji, Isabelle Aubret, Julien Clerc, Nougaro, Les Frères Jacques, « Mes chansons, c’est ma solitude et mon irréalisable besoin d’amour que je donne à tous. Il n’y a pas un mot, pas un vers qui n’ait sa raison d’être profonde et douloureuse. »

Mais c’est la mort qui t’a assassinée, Marcia / C’est la mort qui t’a consumée, Marcia / C’est le cancer que tu as pris sous ton bras / Maintenant, tu es en cendres, cendres. Catherine Ringer Marcia baila (Dilate Music) 1984 les Rita Mitsouko. Ou comment chanter des sujets graves sur un rythme dansant. Marcia Moretto, chorégraphe argentine avec qui a travaillé avec succès Catherine Ringer, est morte « d’une longue maladie ». La chanson doit aussi son succès au soutien sans faille de Philippe Constantin chez Barclay contre Virgin Londres.

Ni vu ni connu, brave mort adieu ! / Si du fond d’ la terre on voit l’Bon Dieu / Dis-lui l’ mal que m’a coûté / La dernière pelletée / J’suis un pauvre fossoyeur. Brassens Le fossoyeur (Intersong) 1952. Une des chansons préférées de Brassens.

La pendule au salon / Qui dit oui qui dit non / Qui dit je vous attends. Jacques Brel Les vieux (Editions Pouchenel) 1963.

Je veux qu’on rie / Je veux qu’on danse / Quand c’est qu’on me mettra dans le trou. Jacques Brel Le moribond (Warner Chappell) 1961. L’écriture de ce titre a été difficile. « J’ai promené le moribond un an, ajoutant ou enlevant des personnages ». La ténacité a payé, longtemps cette chanson a été la préférée de Brel.

Veux tu que je dise / Gémir n’est pas de mise / Aux Marquises. Jacques Brel Les Marquises (Editions Pouchenel) 1977. 16 ans et un cancer au poumon séparent les deux textes. Jacques Brel est mort en octobre 1978. 

J’aime la majesté des souffrances humaines disait Alfred de Vigny. La douleur est une des choses au monde les plus partagées, sans doute est-ce pour cela que nous nous identifions tant aux mots des grands auteurs, qui savent exprimer les émotions à notre place. Ils parlent de nous quand ils parlent d’eux. 

Les chansons tristes n’ont pas de fin. 

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